Opération Ajax, 1953. Le mythe fondateur des tensions entre l’Iran et l’Amérique

Par Philippe Beaulieu-Brossard
Chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques | UQAM
« La CIA a orchestré un coup d’État. » Si l’on observe cette affirmation avec nos yeux de 2009 en la projetant sur l’environnement mondial actuel et passé, elle semble n’avoir pratiquement rien d’insolite. Ne serait-ce que pour la guerre froide, notre imagination collective regorge de gouvernements destitués sous l’influence d’une main invisible dirigée de l’extérieur. Pourtant, l’emploi du coup d’État ne va pas de soi pour l’institution américaine lorsqu’elle est formée en 1947. En revanche, en 1953, l’administration Eisenhower crée un précédent lorsqu’elle entérine l’Opération Ajax en Iran dont l’objectif est de détrôner le gouvernement de Mohammad Mossadegh. Plus qu’une simple manoeuvre politique, l’acte s’est transformé en mythe pour graver l’imaginaire iranien avec un tel impact que l’on peut toujours en percevoir les manifestations aujourd’hui. Le présent texte n’a donc pas comme objectif de faire une généalogie complète du « coup d’État », mais de mettre en lumière comment s’est construite et généralisée l’idée que son emploi représentait la meilleure solution à la question iranienne. Plongeant notre analyse au coeur de l’agence, celle-ci met à l’épreuve l’hypothèse voulant que le consensus entourant l’Opération Ajax soit intimement lié à l’interprétation de la situation et à l’action de deux entrepreneurs – John Foster Dulles (Secrétaire d’État) et Allen W. Dulles (Directeur de la CIA) – au sein du processus décisionnel. Pour atteindre ce résultat, l’étude qui suit marie une approche constructiviste et d’analyse du processus décisionnel. Elle met donc l’accent non seulement sur une analyse discursive des documents officiels, des réunions et du discours des décideurs, mais aussi sur le caractère de ces derniers et sur le contexte décisionnel dans lequel ils interagissent.
ISBN : 978-2-922844-61-0Octobre 2009
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